Post-Apocalyptic Hold’Em : motors head’s up (2/2)

Les sens complètement annihilés, j’accélérais comme un fou, grappillant à chaque hovercraft des mètres qui me semblaient des jetons. Autant de fishs qui finissaient invariablement rasés. Négligeant mes précautions habituelles, j’empruntais une bretelle d’accès au Périphérique. La voie avait été transformée depuis longtemps pour l’utilisation exclusive des engins automatiques. Les utilisateurs passaient généralement en mode hybride, contrôlant juste la vitesse de leur hover et abandonnant les autres commandes à un système central. Un méprisable train de frêt se formait alors, les véhicules en file indienne, le tout sous le contrôle bienveillant d’un Ministère des Transports despotique.

En entendant le rugissement rauque de ma moto, certains gamins s’excitèrent et quittèrent le mode auto, pour tenter de me prendre en chasse. Ils n’avaient pas peur d’un crash : ma Monster old-fashioned était parfaitement illégale, et ces jeunes bobos pouvaient m’envoyer en l’air sans craindre aucune remontrance. Ils prenaient des risques ahurissants pour me faire l’intérieur ou l’extérieur dans les grandes courbes du Sud Ouest Parisien. Mais à chaque dépassement, je me glissais de l’autre côté et sur-relançais d’un 3-bet bien senti. Pas de flop, jamais. A chaque fois ils se couchaient devant l’agressivité de ma conduite, surpris par la lourdeur d’une relance qu’ils avaient mal anticipée. Je les outplay par paquet de dix, fishes !

Certains tentèrent de s’accrocher, suivant mes relances, m’agressant et me mettant parfois dos au mur. Mais la Chance était de mon côté, ce soir-là. Sur le bitume détrempé, la pluie en furie formait des rivières que mes poursuivants ne savaient pas négocier. Deux fois, ils perdirent l’adhérence et s’encastrèrent violemment dans le rail, devant ou derrière moi, me laissant le champs libre pour récupérer un gros pot.

Avant de partir, j’avais enfilé les HD-Case volées. Elles avaient mis quelques minutes pour s’adapter à mes signaux électrostatiques crâniens. Ensuite, acceptant leur nouveau maître, elles avaient alors agi comme un véritable tracker : elles identifiaient chaque véhicule à ma portée, m’indiquaient, en surimpression, les caractéristiques techniques de chacun. Accélération, vitesse maximum, agressivité du conducteur, VPIP, PFR, tout ça s’était installé sans intervention de ma part. Au final, je comprenais les vilains comme si j’étais dans leur tête, anticipant leur conduite et réagissant parfaitement à leurs mouvements.

Je m’étais laissé emporté par l’excitation, et j’avais passé depuis longtemps la sortie qui aurait du me ramener chez moi. Pas plus mal, peut-être, pour brouiller les pistes. Je décidai de sortir par le Port d’Ivry, et de calmer le jeu en longeant la Seine.
C’est alors que j’entendis un hurlement mécanique derrière moi. En me retournant rapidement, je fus ébloui par les feux d’une vieille Subaru Impreza qui, apparemment, ne demandait qu’à jouer.

Quelques coups d’accélérateur de chacun, et nous nous engagions dans un Head’s Up effréné.

Vilain était un véritable maniaque. Il relançait systématiquement, accélérant comme un fou bien aidé par son moteur surpuissant. Je développais des trésors de lecture pour lui prendre des secondes, à chaque fois que le tracé me le permettait. J’observai attentivement le revêtement du bitume, anticipant une baisse d’adhérence de la Sub’. Je guettais les moindres changements d’orientation de ses roues, pour anticiper ses déplacements latéraux. A chaque manoeuvre de l’auto, j’avais une demi-seconde d’avance.

Ça n’empêchait pas Vilain de résister, et même de me balancer de gros coups de pression, parfois. Dans une séquence de virages serrés, alors que je devais forcer des épaules pour inscrire mon vieux Desmo en courbe, la Sub’ enchaîna les courbes à plat et me colla une bonne dizaine de mètres. Perdre, en une fraction de seconde, ce que j’avais mis tant de temps et d’efforts à grappiller, ça me rendait fou. J’étais au bord du tilt, prêt à tenter le diable pour raser mon Vilain.

Surtout, l’affrontement restait désespérément équilibré. J’avais tout d’abord pris Vilain pour un simple maniac, mais il était plus solide que je ça. Jouant énormément de la position, accélérant ou calmant le jeu dans un timing parfait, il augmentait son emprise sur notre petit HU.

Je ne gagnerais pas à la régulière. Ni l’un ni l’autre n’avait un edge suffisant, en fait. Je devais augmenter la variance, jouer un coup risqué et gagner gros. Ou perdre gros.
Mon moteur et mes pneus étaient chauds, la situation était parfaite pour prendre des risques. La pluie avait transformé la route en patinoire, mais j’avais l’avantage de la légèreté et de la maniabilité. En voyant arriver une série de virages serrés, je retardai mon freinage d’un millième de seconde, pour attaquer en tête. Sur la 2ème street, j’étais encore devant. J’utilisais toute la largeur de la chaussée et je tendais ma trajectoire au maximum. A la 3ème street, j’avais encore gagné quelques mètres, éloignant de moi le hurlement du 4-cylindres turbocompressé. J’avais le jeu max, et un dernier virage pour mettre KO mon adversaire.
Sur la dernière street, je décidai porter le coup de grâce. Mécaniquement, avant que mon cerveau n’intervienne, mon poignet droit avait fait un quart de tour, provoquant une accélération monstrueuse alors que j’étais en plein virage.

Épilogue

Ma moto bondit en avant, sauvagement. Par réflexe, je me tournai et regardai mon adversaire, surpris, déposé en plein virage. Là, mon pneu arrière, à bout de force, décrocha du bitume. En reprenant prise, il provoqua une ruade monumentale. Avant de comprendre, j’étais projeté dans les airs comme une vulgaire pierre. La chute fut plus douloureuse. Traversant le rail de sécurité, je m’embrochai dans un enchevêtrement de contreforts métalliques. Instinctivement, je cherchai des yeux ma moto détruite.

Une ombre s’approcha ; le conducteur de la Sub’. Je reconnus l’uniforme immédiatement. La Milice. Il s’était arrêté quelques mètres plus loin et venait admirer le désastre.
– Runciter 2 pour contrôle. Je suis sur place. Il a les HD-Case, c’est bien la cible. Je confirme : il a les HD-Case, c’est bien la cible.

Quelle ironie ! A cause des lunettes volées que j’avais enfilées machinalement avant de partir, cette vermine m’avait confondu avec l’un des rounders de Wagram. J’avais disputé le plus beau HU de ma vie, j’avais déployé mon meilleur A-game, en passant pour un autre !

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