Alors que je m’avance en direction de la table verte, le Cerbère semi-mécanique m’adresse la parole. Je ne l’écoute pas vraiment, lui tendant une liasse d’anciens billets. Si je les utilisais dehors, personne n’en voudrait et pire, je serais probablement dénoncé et arrêté. Pourtant nombreux sont ceux qui les acceptent pour les utiliser sur le marché parallèle. Je récupère mon rack de jetons et m’assieds à l’une des deux seules places encore libres. A droite des fishs. Holly shit ! Mais la dernière fois ce désavantage ne m’a pas empêché de les raser.
A peine assis j’entends la porte s’ouvrir à nouveau. Du coin de l’œil je vois mon ami, mon frère d’armes, « joechip », entrer et payer son rack nonchalamment. C’est une mauvaise nouvelle. Pour lui. Ce joueur, que j’ai rencontré lors de l’ère du poker online, n’est plus ce qu’il était. Il est passé d’une déconvenue à une autre et s’est méchamment ruiné. Dans la « vraie vie », je veux dire. Et pour ce que j’en sais, il vient de payer ses jetons avec tout ce qui lui reste d’argent noir. Pas le meilleur moyen pour jouer son A-game.
Il s’assied à côté de moi et nous nous intégrons au jeu. Comme à mon habitude, j’occupe les premiers temps à décrypter mes adversaires. Je joue quelques mains sans autre ambition que de les tester et de déchiffrer leurs réactions. Ils deviennent assez rapidement aussi transparents que de l’eau de roche, et je commence à grappiller quelques pots, d’abord en récupérant mes mises perdues préalablement, puis en faisant grossir mon tapis petit à petit.
Progressivement, l’action s’enflamme et les pots gonflent. Nous allons rarement au showdown, mais je remarque la nervosité grandissante de nos invités occasionnels. Ils semblent suffoquer dans leurs vêtements trop serrés, plier sous la pression et malhabiles dans leurs déplacements de mains. Tout près d’eux, je suis aux premières loges pour ressentir leur malaise. J’aime presque l’odeur de leur sueur qui me crie leur détresse. J’aime la façon dont nous avons transformé leur petite promenade ludique en chemin de croix. Ces gars-là n’ont aucun problème d’argent. Ce n’est pas ça. Ils résistent à notre pression psychologique autant que possible mais savent pertinemment, et je dois bien leur reconnaître cette lucidité, qu’il n’y a pas d’issue pour eux que de repartir les poches vides. Ce sont les proies. Nous sommes les chasseurs. Quelques gros pots s’échangent et le premier nous abandonne son tapis. Il est loin d’être ruiné, et pourtant il semble respirer à nouveau en se levant de table. Son acolyte, seul contre tous, est prêt à imploser. Soudain une surenchère de sur-relances éclate et nous nous préparons à assister à la fin de soirée. C’est joechip qui a poussé le gros touriste à tapis, tellement sûr de son ascendant psychologique qu’il pourrait lui faire coucher les nuts. Le flop montre [Ah Qs 8h]. Inutile de voir leurs main. joechip est sur son tirage couleur max. Le gros a sans doute sa top-pair, peut-être même kicker max. Son visage rougeaud se demande ce qu’il lui arrive, comme s’il venait de recevoir un coup sur le front. J’ai un mauvais pressentiment. Il se croit derrière, c’est sûr. Mais encore quelques secondes et il risque de payer pour sa libération. Pour enfin! se soustraire à notre pression. Après un long silence, il paye effectivement et est sans doute le seul surpris de voir sa main [Ac 8c] dominer le board. Dans un mauvais film, le tournant et la rivière auraient chacun renversé la situation, amenant successivement une couleur et un full. Mais les vieux films n’existent plus. Le board tombe et la double paire tient. Personne ne bronche, pas même mon ami, que seule la blancheur livide trahit. Il se lève et quitte la salle comme un fantôme. Je dois être le seul à savoir qu’il est broke. Mais si je lui parle, si j’essaie de le rassurer, nous pourrions être accusés de collusion, et je vous prie de croire que notre avenir deviendrait immédiatement très, très incertain.
Je le laisse sortir, en lui promettant mentalement de le stacker pour une prochaine soirée. J’ai confiance en son talent. Il se refera. Mais sans argent, il devra peut-être d’abord passer quelques nuits dehors.
un roman un roman
on a le nouveau romancier des prochaines années et comme tu vas être riche tu vas nous abandonner a notre triste stack!!!!
tu joueras avec ivey etc.. dans les high rooms de Vegas .
tu passeras chez pivot et nous … et ben rien
sniff c’est triste la vie sans poker réel car le décret et ben c’est pour demain puis pour après demain et après après demain.
voila je stoppe ma logorrhée
Bon billet encore une fois !! ;)